Pourquoi l’Europhobie ?

Pourquoi les Européens sont-ils devenus europhobes ?

Cyril Benjamin CASTRO – Janvier 2015

Un manque de Vérité originelle et entretenue

Le sentiment anti-européen a connu une réelle victoire le 26 mai 2014, en France mais aussi dans de nombreux pays européens. Pour notre pays, 40 % ont voté ; 40 % des votants ne sont pas représentés ; 40 % des représentants sont anti-européens. Les raisons y sont partout grandement identiques : l’Europe vit sur un mensonge.
Pourtant la construction de l’Europe est la plus fantastique réalisation de toute l’Histoire de l’Humanité : Unir par la paix et dans la paix 500 millions de femmes et d’hommes convergeant vers un destin commun, dans un Monde en plein bouleversement, et concomitamment à une mutation majeure des modèles économiques et sociétaux.
Comment alors en est-on arrivé à ce point ? Ne jetons pas le beau bébé Europe avec l’eau du bain, sale d’une construction qui s’est accélérée de manière inefficace et désordonnée, avec un déficit de démocratie incontestable…

Aujourd'hui une nécessité

Aujourd’hui une nécessité

A chaque fois qu’un gouvernement obtient une avancée pour son propre pays, il le présente comme une victoire personnelle, y compris contre « le reste de l’Europe », donnant ainsi plus de relief à une bataille supposée. A l’inverse, quand une négociation à l’échelle européenne défavorise telle ou telle catégorie, le gouvernant, accablé et compatissant, fustige l’Union, malgré un héroïque et compréhensif combat, mené seul contre 27… Attitude fausse, dangereuse et irresponsable !
Cette mascarade est un scandale, une faute d’Etat, un abus de confiance.
Ce mensonge est permis car l’Histoire de l’Union reste floue, et ses fonctionnements méconnus. Chacun doit savoir que les mécanismes de l’Europe sont les moins pires possibles et ont été établis avec au moins le consentement éclairé, au mieux par l’initiative active et volontaire, des gouvernements nationaux, approuvés par leur parlement respectif, et respecté. Il ne s’agit donc pas d’une confiscation cynique et camouflée des prérogatives nationales.
Mais le flou est aussi dû à une construction européenne voulue pour la Paix, considérant – bien à tort en fait vu les mouvements pacifiques des années 1920 – que les Peuples étaient pour l’affrontement, et en essayant de les impliquer au minimum tout au long des 30 premières années de l’Europe. L’Europe idyllique vendue par l’élite amène à des déceptions quand le Paradis, ou le paradigme, ne semble pas être fait pour l’individu à une époque et dans un continent où l’individualisme émancipateur progresse.
La faute est donc partagée – inégalement cependant. Seule la vérité permettra à la confiance de se nouer entre l’Europe et les Citoyens.
La solution est qu’à chaque niveau d’élection (ville, département, région, état), on affiche ce que l’Europe apporte (en bien et en moins bien mais dans le cadre d’un débat contradictoire) pour relier l’action locale et la décision supranationale, en transparence et vérité. Car dire la vérité coupe l’herbe sous les pieds des populismes !

Ce que l’Europe nous apporte et doit nous apporter

Dire la vérité est de montrer ce que l’Europe nous a apporté : Paix ; protection ; libre circulation ; apport des valeurs complémentaires (l’éthique et le compromis du Nord mêlés à la rhétorique et l’analyse du Sud) ; reconnaissance, mise en valeur et développement des régions, des traditions et atouts de chacun. Qu’aurait été notre France sans l’Europe, alors que déjà la concurrence intra-européenne nous atteint ? Que serait-on sans l’Euro ? Ces apports sont considérables.
Et on ne parle pas de cela, considérant comme acquis définitif.
Dire la vérité est considérer ce que l’Europe ne peut spontanément nous apporter : Bonheur ; croissance ; emploi direct ; retour sur des 30 glorieuses au modèle écologiquement dépassé.
Et on n’évoque pas ces manques de peur de paraître comme trop eurosceptique. Il ne faut pas survendre l’Union.
Dire la vérité est reconnaître les faiblesses actuelles de l’Europe, c’est-à-dire le rôle que l’Europe pourrait jouer et que – par la volonté fautive des dirigeants européens et nationaux – elle n’exerce pas ou pas encore : Manque d’un gouvernement financier et économique malgré une monnaie commune pour 2 pays sur 3 ; faible convergence fiscale, aucune perspective de convergence sociale ; pas de mise en commun des programmes de recherches ; aucun plan général sur l’industrie propre du XXIè siècle ; non engagement sur le plan de la réelle transition énergétique, génératrice d’emplois, de sécurité et de mieux-être sanitaire.
Et on ne souligne pas ces défauts par crainte de devoir se délester d’un pseudo-pouvoir au profit d’une efficacité cohérente à l’échelle d’un Continent.
Il faut que les Peuples se prononcent et que les gouvernants prennent leur responsabilité sur ces pistes pour faire avancer l’Europe, aucun pays ne pouvant agir seul sur ces points essentiels.
Enfin, dire la vérité, c’est aussi admettre ce que les Peuples, les Français notamment, attendent aujourd’hui de l’Europe et donner les moyens à différents niveaux d’y répondre : Protection des frontières, c’est-à-dire choisir qui et combien peuvent rejoindre l’Europe, sans assécher la force des pays en développement ni les laisser succomber à un marasme malgré tant de richesses humaines et naturelles ; préservation des valeurs et des modèles occidentaux, non pas offensivement pour s’imposer à tous, mais parce que chaque société se pouvoir se transmettre et se perpétue en s’améliorant, non pas en se copiant ou en se laissant imposer quelqu’autre modèle (trop hollywoodien ou trop orientale) ; lutte contre l’évasion fiscale et tous les blanchiment ; lutte contre la cybercriminalité ; mise en place d’une défense commune car on approuve globalement les interventions françaises à l’extérieur, mais on dénonce le peu d’aides financières et logistiques de nos voisins pour les valeurs et la sécurité desquels nous nous battons.
Et on n’ose pas redéfinir les frontières d’action de l’Union, par espoir de ne pas « casser » une machine qui ne marche plus.

Sentiment européen et patriotisme

Les Européens veulent donc encore croire en l’Europe, mais pas Celle qui cherche des financements pour plus communiquer mais Celle qui dispose de financements directs en substitution aux taxes nationales pour des missions précises, comprises et efficientes. Il faut donc créer un Sentiment européen, dans un continent qu’il y a 12 siècles, un Empire et 3 Royaumes constituaient, certains de nos ancêtres passant de l’un à l’autre, 2 ou 3 fois dans une courte vie. Mieux se connaître entre Européens est indispensable : pourquoi ne pas Instituer 2 mois obligatoires dans un Pays de l’Union de langues étrangères pour toute obtention de diplômes post-brevet, professionnels ou classiques, le coût de cette mesure réciproque et générale étant faible ? Cela ira dans le bon sens commun !

Entre L’Europe du Cœur et de la Raison

Il faut là encore être honnête : le rejet de l’Europe politique par certains est aussi mélangé à un rejet général de la classe politique traditionnelle qui, peu aidée pour cela par les médias, ne sait pas se renouveler et se diversifier. Il faut donc redonner un sens spirituel à notre Europe. Il convient à ce stade où les crises nous incitent à être moins lyriques, de choisir clairement le discours : celui de l’Europe du Cœur ou celui de la Raison
Le discours du Cœur, idéal, est totalement inaudible quand on sait que le financement de l’Europe de l’Est par l’Ouest, coûte en creusant les déficits des uns et permet de faire du dumping fiscal aux autres qui attirent ainsi au détriment des européens qui les financent des entreprises à forte employabilité. Quand on sait que certains n’ont pas confiance en les autres pays – « plus grands » – pour assurer militairement et politiquement leur défense et leur indépendance.
Reste le discours de la Raison : Comment à 60 millions, 0.8 % du Monde aujourd’hui, 0,6 % en 2040, peut-on préserver notre modèle plutôt redistributif, perpétuer nos valeurs de démocratie organisée, notre niveau de liberté d’expression et de conscience, sans prolonger ce modèle dans un espace plus grand, plus fort, tout en agissant pour en faire un espace plus juste ? Oui ceux qui ne veulent pas de l’Europe ne veulent pas perpétuer et consolider nos valeurs, au sein d’un Monde en pleine compétition. Ils n’aiment pas les valeurs de la France, partie prenante de l’Europe. Ils ne sont donc pas patriotes et refusent de donner la force à notre pays de redevenir moteur d’un continent qui a besoin de la France comme la France en a besoin !

Et un jour, cette Europe de la Raison, que notre Histoire a voulu faire depuis des siècles, passera le flambeau à l’Europe du Cœur, élan reconnu par des faits et des résultats concrets obtenus par une Europe qui aura su se mettre en marche…